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maison autrique - Page 2

  • Jardins intérieurs

    L’exposition en cours à la Maison Autrique, « Jardins intérieurs », offre un agrément supplémentaire à la visite de cette maison schaerbeekoise (1893), œuvre de jeunesse de Victor Horta, l’architecte phare de l’art nouveau à Bruxelles. De « Horta » à « horticulture », le glissement est facile et pertinent : le motif floral, les courbes végétales sont au cœur de ce courant artistique.

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    Au-dessus du comptoir, "Lost paradise" 2002 © Marie-Jo Lafontaine

    De grandes photographies de Marie-Jo Lafontaine, artiste plasticienne, sont accrochées au rez-de-chaussée. Dans un cadre noir, des gros plans de fleurs aux couleurs somptueuses resplendissent dans ces trois pièces en enfilade typiques de l’architecture bruxelloise. dont « Experience Paradise » où l’on reconnaît une fleur de dahlia, au-dessus du piano à queue de la maison. Une grande sensualité émane de ses fleurs « de nuit » dans la pièce centrale.

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    « Jardins intérieurs » remonte au début du XIXe siècle : en 1822, la Société de Flore de Bruxelles se constitue, animée par des aristocrates ou de riches bourgeois. Producteurs et amateurs de plantes se rencontrent dans diverses associations qui organisent des expositions, des concours. Schaerbeek est alors un des faubourgs campagnards de Bruxelles où s’installent des personnes qui fuient « le bruit, les odeurs et la saleté de la ville » (dossier de presse).

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    A tous les étages, l’exposition présente des revues horticoles, leurs planches soignées destinées à des amateurs qui acquièrent des plantes, se soucient de leur entretien, s’intéressent aux espèces les plus recherchées, comme les orchidées, les chrysanthèmes. Cette nouvelle passion qui perdurera au XXe siècle influence autant le décor intérieur des maisons que les plantations au jardin ou dans des parterres. Dans la Tribune horticole du 10 novembre 1906, on s’émerveille de la « luxuriante floraison » au parc Josaphat et on plaide pour la présence de fleurs dans les parcs publics souvent trop austères.

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    La Maison Autrique se visite du bas (cuisine, offices, buanderie au sous-sol) vers le haut (grenier). A chaque niveau sont affichés des textes très intéressants sur les revues horticoles, les salons, les expositions, etc. – ce serait bien de les proposer aussi sur des feuilles volantes plastifiées pour en faciliter la lecture. Ils sont disponibles en ligne (en français, néerlandais et anglais). L’engouement pour l’horticulture va revaloriser le genre de la peinture de fleurs et renforcer leur rôle dans la décoration d’intérieur.

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    De belles planches botaniques, des affiches d’exposition, des livres témoignent de l’enthousiasme des amateurs de la belle époque. Une affiche de La Roseraie Belge (Maison Charles Mees) – « Fleurs naturelles de luxe », « Art floral », « Horticulture » – annonce les « Fêtes fleuries du Nouvel An » et signale en note que « La demande pour les hortensias bleus étant très forte pour le Jour de l’An et les plantes limitées », il vaut mieux « s’inscrire d’avance. Grand succès pour cette nouveauté. » Art floral et horticulture peuvent même se conjuguer avec une « exposition de pomologie ». Joli ex libris pour Le Cercle horticole du Vert Chasseur !

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    Un coup d’œil par la fenêtre pour admirer des jardins extérieurs, puis on reprend l’escalier pour découvrir les aquarelles de Lucie Collot. L’inspiration art nouveau est bien visible chez cette guide-conférencière de Nancy devenue aquarelliste. C’est un foisonnement de couleurs vives et de courbes où « les ombellifères et autres plantes s’épanouissent en un univers harmonieux ». Un coup de cœur ! Une reproduction d’une belle porte est en vente, ainsi qu’une carte postale d’un croquis à la Villa Majorelle. Une artiste à découvrir sur son site.

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    (800), 2020 © Lucie Collot

    Dans la chambre à coucher – faut-il rappeler ce qui participe ici au charme des lieux, à savoir que cette maison art nouveau est meublée ? –, une peinture verticale assez sombre fait face à la fenêtre, il est difficile de déterminer ce que fait précisément la dame élégante du portrait. Au comptoir d’accueil, on me renseigne aimablement : il s’agit du Bijou d’Herman Richir, une peinture reprise à l’Inventaire du patrimoine mobilier dont j’ignorais l’existence – merci ! L’éclaircir par ordinateur permet de mieux comprendre l’attitude et aussi de mieux admirer la robe de cette dame. Montons encore.

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    Dans une grande vitrine, voici un diplôme remarquable décerné par la Société Royale d’Horticulture et d’Agriculture de Laeken au Jardin botanique de l’Etat à Bruxelles en 1903, « médaille de vermeil » (transféré à Meise en 1939). Quelques tableaux de fleurs signés Charles Hermans (Fleurs), Georges Van Zevenberghen (ci-dessous) ou Emile Bulcke (Pluie d’or), des peintres belges, complètent ce parcours pour et sur les amoureux des fleurs. Sur une cheminée, une paire de vases art nouveau leur fait écho.

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    © Georges Van Zevenberghen, Serre d'azalées, Musée Charlier Museum, Bruxelles

    Etienne Schreder, bédéiste, a dessiné pour le feuillet de « Jardins intérieurs » une illustration bien dans l’esprit du lieu, à dominante verte, où figure le beau vitrail de la cage d’escalier. Cet « ambassadeur de la bande dessinée à l’étranger » est au cœur du projet Kronikas, dont « les missions sont centrées sur la création et la production de bandes dessinées dans des villes où l’architecture réveille l’imaginaire ».

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    Envie de vous inscrire pour visiter la Maison Autrique ? Rien n’est plus simple : cliquer ici. L’exposition reste en place jusqu’au 6 mars 2022.

  • Le dernier pharaon

    François Schuiten réussit un coup de maître avec Le Dernier Pharaon, une aventure de Blake et Mortimer « d’après les personnages d’Edgar P. Jacobs » qu’il signe avec le réalisateur Jaco Van Dormael et l'écrivain Thomas Gunzig pour le scénario, l’illustrateur Laurent Durieux pour la couleur. Annoncée comme son tout dernier opus, c’est la première bande dessinée que je présente sur ce blog.

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    Si vous aimez le 9e art, vous connaissez François Schuiten, l’auteur de Brüsel, des Cités Obscures ; si vous avez visité Train World à Schaerbeek, vous avez admiré la scénographie dont il est l’auteur dans ce musée extraordinaire. Vous retrouverez dans Le dernier pharaon « la 12 », cette fameuse locomotive belge dont il a raconté l’histoire par ailleurs.

    Une note d’Edgar P. Jacobs – « Entrer dans cette œuvre, c’est partir en quête d’une source qui a nourri toute notre enfance », écrit Schuiten en préambule – exprimait son intention de réaliser un Blake et Mortimer au Palais de Justice de Bruxelles, un lieu qui fascine Schuiten depuis toujours et près duquel Edgar P. Jacobs a grandi.

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    © François Schuiten, Le dernier pharaon, p. 16

    « A l’instar de la pyramide de Khéops, ce monstre de pierre n’a pas révélé tous ses secrets. Le Mystère de la Grande Pyramide n’avait jamais été complètement éclairci, Le Dernier Pharaon jettera peut-être une lumière nouvelle sur cette aventure… » C’est dans cette pyramide qu’on retrouve les deux héros de Jacobs en première page, « sortant péniblement d’une profonde inconscience ».

    Curieuse de découvrir les monuments et les rues de Bruxelles que François Schuiten a l’art de représenter, et surtout ce Palais de Justice si mal entretenu pendant des années que sa restauration semble sans fin, sous les échafaudages, je ne m’attendais pas à lire une histoire si passionnante : le professeur Mortimer est appelé au Palais de Justice de Bruxelles où l’on a mesuré un rayonnement électromagnétique d’un niveau « absolument colossal ». Pourquoi tous les appareils électriques tombent-ils en panne à cet endroit du Palais ?

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    © François Schuiten, Le dernier pharaon, p. 9

    Quelle n’est pas la surprise de Mortimer d’y trouver au fond d’un obscur couloir un mur couvert de hiéroglyphes ! Joseph Poelart, l’architecte du Palais de Justice, était « féru d’égyptologie » ; il aurait voulu le coiffer d’une pyramide, au lieu d’un dôme. Je ne vous en dirai pas plus sur la catastrophe que va déclencher l’exploration du Palais, vous en découvrirez les péripéties surprenantes à la lecture de l’album.

    Schuiten et les scénaristes du Dernier Pharaon ont inventé une nouvelle histoire formidable de Blake et Mortimer. L’Egypte antique y joue un rôle de premier plan, comme l’indique le titre, mais aussi d’autres thèmes très actuels qui intéresseront ceux qui s’inquiètent des menaces de black-out électrique ou numérique, voire de l’avenir des villes et de la planète.

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    Au coeur du palais de justice de Bruxelles, l’équipe du "Dernier Pharaon"
    De g. à d. : Thomas Gunzig, Jaco Van Dormael, François Schuiten et Laurent Durieux © 2019 MD | Photo.

    S’il faut croire le dessinateur qui a annoncé la fin de sa carrière de bédéiste avec Le Dernier Pharaon, ce dernier album permet d’apprécier une fois encore son art d’articuler les cases et les plans, d’architecturer l’espace, d’inventer des atmosphères à la fois réalistes et étranges. Avec ses couleurs et ses éclairages magnifiques, Laurent Durieux magnifie le trait de François Schuiten et participe à la dramatisation de l’histoire. Entre Le Caire, Bruxelles et Londres, laissez-vous entraîner dans cette aventure. Quant à moi, je compte aller voir les planches originales, exposées à la maison Autrique à Schaerbeek.

  • A la maison Autrique

    J’y allais pour Ghelderode, j’en suis revenue surtout avec des atmosphères. La Maison Autrique, construite par l’architecte phare de l’art nouveau en Belgique, Victor Horta, vaut assurément la visite. Ne la manquez pas, si par exemple il vous reste du temps après un repas de midi dans l’un des agréables restaurants de l’avenue Louis Bertrand à Schaerbeek. Remontez-la jusqu’à la chaussée de Haecht, au 266. Sonnez, on vous ouvrira.

     

    Derrière sa façade élégante et sobre, c’est une demeure bourgeoise typique de la Belle Epoque à Bruxelles. Du sous-sol jusqu’aux combles, elle est meublée dans l’esprit du temps, éclairée comme un théâtre, avec des surprises qui guettent les visiteurs dans ses recoins. L’hôtel de Ville de Schaerbeek n’est pas loin, où Adhémar Martens a travaillé en tant que commis d’administration communale tout en écrivant, caché derrière un mur d’archives. De son nom de plume Michel de Ghelderode, ce Schaerbeekois qui ne se reconnaissait qu’une seule patrie, la Flandre, habitait rue Lefrancq. 

    Maison Autrique, un lustre.JPG

     

    A l’accueil, on m’avait gentiment prévenue : c’est l’homme qui fait ici l’objet d’une exposition – Le mystère Ghelderode, jusqu’à la fin du mois d’avril  – et non son œuvre. Dans la pièce qui donne sur le jardin à l’arrière, clos par une grille au « A » gracieux, une fantastique chauve-souris sculptée par un artiste serbe (Prédan, si j’ai bien entendu) donne le ton, près d’un piano noir. Il fait office de "Grand Macabre", en quelque sorte.

     

    Dès le hall d’entrée, l’association entre Ghelderode et Jean-Jacques Gailliard, son ami, saute aux yeux. Affiches, correspondance, portraits, tout indique entre eux une grande complicité. « Cher grand artiste… », « Cher Ami… », « Cher et Illustre, universellement… » : Gailliard y met beaucoup de majuscules et ses lettres sont comme ses peintures, un étonnant fouillis baroque et animé. Ses missives ostendaises sont surmontées d’un dessin de paquebot, d’un voilier ou d’un fiacre découpé en silhouette. Sur un palier, un sonnet intitulé Miroir : Ghelderode l’a écrit en rouge sur un dessin de Gaillard à l’encre de Chine. 

    Maison Autrique, Cage d'escalier.JPG

    Dans le salon-bibliothèque, à l’étage, un film de Luc de Heusch et Jean Raine, en noir et blanc, passe en boucle. On y voit Ghelderode allumant sa pipe au long tuyau, marchant dans les rues de Bruxelles. On l’entend parler du « secret du grand art, la cruauté ». Bruges est sa ville fétiche, l’ancien port dont la mer s’est retirée et où l’on comprend sans peine, dit-il, que la mort est « le comparse obligé du poète dramatique ». L’écrivain est filmé chez Toone, le fameux marionnettiste bruxellois, qui anime ses figures de bois rien que pour lui. On peut lire par ailleurs une belle lettre d’hommage de Ghelderode à Toone, « le seul directeur de théâtre de Bruxelles à qui j’ose serrer la main ; le seul à qui j’ose confier mes pièces ; ses artistes sont parfaits. »

    C’est dans les chambres du haut que la vie personnelle de Ghelderode est surtout illustrée. Quelques portraits de lui sont présentés sur un chevalet. Un bureau couvert d’objets (main, crâne, machine à écrire, chandelier, buste de femme en bronze affublé d’un masque d’âne…) évoque le décor chargé dans lequel l’écrivain évoluait, lui, l’amoureux des objets « inactuels » pour qui les choses ont une âme, ne vous abandonnent jamais, « remèdes contre le vide, le néant, la solitude ». Un cheval de bois, des marionnettes, assurent cette présence. 

     Maison Autrique, Marionnettes.jpg

    Des documents administratifs, près de quelques éditions anciennes et de coquillages, rappellent sa naissance à Schaerbeek, le 3 avril 1898, son engagement à la maison communale en 1923, des avertissements pour retards répétés en 1939, sa révocation en 1945. Plus étonnants, des extraits de délibérations sur les remous provoqués par Martens-Ghelderode : il avait répondu « Merde » à des collègues qui l’accusaient de faire jouer ses pièces par la Jeune Garde libérale, on l’avait traité de « calotin » dans les couloirs, etc.

    Plus que d’une véritable exposition, il s’agit donc bien, comme stipulé sur le document donné à l’accueil, d’un Itinéraire pour une visite de la Maison Autrique. Le visiteur qui connaît déjà l’œuvre ghelderodienne y verra davantage que le non initié. Pour ceux qui n’ont jamais franchi le seuil de la maison Autrique, ce parcours original dans l’univers du grand écrivain belge (dont il faut lire, au moins, les somptueuses nouvelles du recueil Sortilèges) constitue en tout cas une excellente occasion de la découvrir.